Des défis et des opportunités à venir - Entretien avec Clemens Frey
M. Dr. Frey, en cette fin d'année 2022, nous aimerions revenir sur les derniers mois - quels ont été selon vous les défis particuliers à relever pour les actuaires en Europe et ailleurs ?
Les grands défis auxquels le secteur de l’assurance est confronté sont bien sûr aussi les défis auxquels nous, actuaires, sommes confrontés. 2022 a été une année difficile : les conséquences de l’attaque de la Russie sur l’Ukraine, l’inflation élevée des dommages, les pénuries d’approvisionnement, mais aussi les séquelles du coronavirus et les dommages causés par des catastrophes naturelles importantes nous occuperont encore longtemps. À cela s’ajoutent des défis à long terme tels que le reporting ESG, la gestion de la durabilité, la gestion des risques et des impacts du changement climatique et de la numérisation.
Mais il y a aussi des points positifs à signaler ; l’introduction de l’IFRS9/17 en janvier 2023 est une étape incroyablement importante, après une préparation vraiment longue et intensive dans les entreprises concernées, même si nous devrons probablement travailler un peu plus longtemps pour nous familiariser avec les nouvelles normes.
En tant que membre du Advance Commitee nouvellement créé au sein de l’IAA, vous contribuez activement à façonner la réalité professionnelle des actuaires du monde entier. Quels sont les objectifs de l’IAA dans sa nouvelle structure et sur quels thèmes faut-il tout particulièrement mettre l’accent ?
L’Advance Committee doit favoriser et soutenir le développement de l’expertise dans le domaine actuarial et se concentre donc sur le troisième des trois objectifs stratégiques de l’IAA. Pour résumer, ces objectifs sont « Impact », c’est-à-dire l’établissement de relations avec des institutions supranationales importantes et la mise à disposition de connaissances actuarielles au niveau global, « Assure », c’est-à-dire le soutien du développement du secteur professionnel et également « Advance », c’est-à-dire le développement des compétences actuarielles également et tout particulièrement dans les nouveaux thèmes et secteurs d’activité.
De façon très concrète, l’Advance Commitee coordonne la mise en place et le travail des forums (virtuels) de l’IAA, qui incluent par exemple l’assurance générale et la santé comme forums et l’analyse des données et la mortalité comme forums virtuels. L’objectif est toujours d’organiser la collaboration de la façon la plus efficace possible et de veiller à ce que les ressources soient clairement concentrées sur les thèmes vraiment importants pour l’avenir.
Certains aspects que vous avez mentionnés concernant l’année dernière, que ce soit la guerre ou le coronavirus joueront assurément également un rôle en 2023 et influenceront le travail actuariel. Quels nouveaux défis supplémentaires se présenteront selon vous à l’avenir pour le secteur ?
Le thème de l’inflation et la gestion de la situation des taux d'intérêt nous occuperont assurément encore jusqu’en 2024, les questions de gestion du développement durable et de la digitalisation encore nettement plus longtemps. Le terme de digitalisation est d'ailleurs trop restreint. La digitalisation est en effet très vaste et ouvre des possibilités très diverses : par exemple une meilleure efficacité grâce à la simplification des processus et des produits et à une automatisation intelligente, l’utilisation de nouvelles méthodes issues des domaines des analyses avancées et de l’IA tout au long de la chaîne de valeur des assureurs, ainsi que le développement de nouveaux produits d'assurance. Tout cela représente aussi des opportunités pour nous en tant qu’actuaires avec un ensemble de nouveaux champs d'action. Cela implique également une grande responsabilité, il faut traiter tout cela avec des données « propres », dans le cadre d'une gestion qui assure une excellente qualité d'un bout à l'autre, en protégeant les groupes de clients particulièrement vulnérables.
Qu’est-ce que cela signifie aussi en ce qui concerne la profession d'actuaire et les jeunes dans le métier ?
Nous devons nous habituer au fait que notre secteur d'activité, mais aussi le profil des jeunes diplômés et donc des jeunes actuaires, est en pleine évolution. Je trouve cela très positif. En effet, les diplômés apportent une orientation nettement plus axée sur l’informatique, le traitement pratique des données et l'utilisation de la science des données, à laquelle nous devons nous ouvrir. Cela signifie également que nous adaptons nos qualifications en permanence.
De manière générale en tant que profession, nous devons nous efforcer d’exploiter ces nombreuses possibilités de façon responsable. Cela implique avant tout que nous ne pourrons imposer notre « image de marque » en tant qu’experts pour les questions quantitatives du secteur des assurances qu’en nous développant en permanence et de façon proactive.
Merci beaucoup pour cet entretien !