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L’actuaire comme auditeur interne dans les entreprises d’assurance

La directive Solvabilité 2 a profondément modifié la culture des compagnies d’assurance européennes en imposant aux organisations une véritable transformation du système de gouvernance autour de la gestion des risques. Bien que présent et ancre dans l’entreprise avant son introduction, l’audit interne a désormais atteint une nouvelle dimension - et avec l’application du deuxième pilier de la directive Solvabilité 2, il est même devenu l’une des quatre fonctions clés des entreprises d’assurance (outre la gestion des risques, la conformité et la fonction actuarielle conformément à l’article 41 de la directive Solvabilité 2). Camille Renard, auditrice interne pour le Groupe Covéa, examine dans un essai les impacts sur le rôle des actuaires au sein des compagnies d'assurance.
Written on 12/11/2023

Cet article a d'abord été publié dans THE EUROPEAN ACTUARY, la revue trimestrielle de l’Actuarial Association of Europe.  Il a été repris avec l'aimable autorisation de l'auteur. Pour consulter l’article d’origine, veuillez suivre ce lien.

En effet, les auditeurs internes et les actuaires ne sont pas deux rôles opposés : quel professionnel serait le mieux placé pour évaluer le contrôle des risques au sein d’une entreprise d’assurance ? Pourtant, seulement 1 % des actuaires exercent leur fonction d’audit (selon une enquête de l’Institut français des actuaires).

Ainsi, un actuaire est « un expert en évaluation des risques, modélisation et gestion ». Ils exercent une multitude de professions dans de nombreux domaines d'activité publics et privés, comme par ex. dans les assurances, la réassurance, les mutuelles, les institutions de prévoyance, les pensions, les banques et les gestions d'actifs, l’industrie, le conseil ... et l'audit ». Cependant, seuls 1 % des actuaires de l’IA sont actifs dans le secteur de l'audit - bien qu’un expert en gestion des risques soit idéalement positionné pour évaluer le contrôle des risques d’une entreprise d'assurance.

Selon l’article 47 de la directive Solvabilité 2, la fonction centrale d’audit interne comprend « une évaluation de l’adéquation et de l’efficacité du système de contrôle interne et des autres éléments du système de gouvernance. La fonction d'audit interne doit être objective et indépendante des fonctions opérationnelles ». Elle contribue ainsi au contrôle des activités et à l’efficacité des processus, en garantissant le respect des lois et directives, l'application des consignes et directives définies par la direction et le bon fonctionnement des processus internes en collaboration avec tous les services.

Par ailleurs, le monde de l'assurance évolue constamment et devient de plus en plus complexe. Les réglementations en matière d'assurance (Solvabilité 2, IFRS, etc.) imposent des exigences de plus en plus élevées aux modèles d’assurance et des exigences en lien avec les provisions techniques, la quantification et le contrôle des risques. Par exemple, l'autorité de surveillance française ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) a ainsi créé un service chargé des contrôles de modèles (interne, USP ou formule standard). Ceci associé à un contexte économique, social et écologique difficile entraîne une complexification des produits d'assurance et de réassurance (considérations relatives aux assurances paramétriques, réassurances structurées, Cat Bonds, annuités variables, etc. voir le compte-rendu de l’Institut des Actuaires en mars 2023, « Mastering uncertainties in a world in upheaval »). Les compagnies d'assurance ont donc besoin d’employés qui sont en mesure de comprendre les modèles et produits d’assurance, car les risques dans la gestion et dans la stratégie des organisations deviennent de plus en plus fréquents et de plus en plus complexes.

Quelles sont les compétences requises ? 

  • L’activité d'un auditeur interne au sein d'une compagnie d'assurance nécessite des connaissances dans les domaines suivants : 
  • mathématiques, calculs de probabilité, statistiques, pour s’interroger sur le travail de modélisation des actuaires ; 
  • les secteurs commerciaux, pour avoir une compréhension parfaite des produits et garanties d'assurance ; 
  • des aspects légaux et financiers, pour comprendre le cadre dans lequel les activités d'assurance doivent être réalisées ;
  • Et même en informatique ...

Ce vaste éventail de compétences signifie qu’un auditeur interne/actuaire peut assumer des tâches dans les domaines de la tarification, de la souscription, des provisions techniques des assurances, de la réassurance et de manière très général pour l’évaluation de la gestion technique et économique de l'unité contrôlée, mais aussi pour les questions de gouvernance ou de finance. Ce sont tous des thèmes interfonctionnels au sein d’une compagnie d'assurance et, du fait du développement de ces secteurs (défi constant en lien avec les développements réglementaires), ils créent de nouveaux domaines d'activité pour les contrôleurs actuariels. Ainsi, au cours des deux dernières années, j'ai par exemple eu l’opportunité d'étudier des questions d'assurance vie et non-vie, ce qui m’a permis d'approfondir mes connaissances sur les activités/produits d'assurance, la souscription et la tarification et également de me sensibiliser à l’environnement de contrôle interne. Cette activité requiert de l’autonomie, des forces intellectuelles et la capacité à être analytique, y compris dans la façon de résumer son travail, mais aussi de la curiosité et un engagement actif dans le monde des assurances et des risques associés. Par ailleurs, des compétences en communication sont nécessaires, afin de pouvoir s'adresser aux décideurs à tous les niveaux de la direction de l’entreprise, que ce soit au niveau technique ou stratégique, afin de les convaincre de la pertinence des résultats et des recommandations correspondantes.

Qu’en est-il de demain ?

Nous vivons dans un monde de grande incertitude : les évolutions technologiques, les changements dans la mobilité, l'apparition des cyber-risques, les guerres, les inégalités croissantes, le changement climatique, un contexte économique inflationniste, etc. - et cela dans un cadre réglementaire de plus en plus restrictif. Il est donc très important de maîtriser ces risques pour relever les défis de demain. Pour les auditeurs internes et les actuaires, il y aura assurément encore un ensemble de défis. Alors continuons ! 

Références : 

ACPR 
L'Institut des actuaires 
IFACI